Sinistre marchandise

Que ce spectacle est triste ! La Vie de marchandise de William Pellier mis en scène par Claire Rengade nous met en présence d’un couple ordinaire, en apparence. Ils ont simplement décidé de se tuer. Comme ça. On ne sait pas vraiment pourquoi. Pourtant, ils se confessent à nous, longuement. Ils racontent leur vie morne. Le pavillon en banlieue, le racisme quotidien, le caniche qui remplace l’enfant que l’on a pu avoir, les vacances en Espagne dans le bungalow en copropriété.

Cette existence plate, récitée d’une voix monocorde par cet homme et cette femme qui ne se voient pas vraiment, ne dialoguent pas, est poignante. Dans cette eau grise il n’y a jamais le moindre rayon de soleil. Ils ratent même leur suicide. Cet échec les mène à un semi-internement dans un hospice. Cela devient atroce, carrément sordide. Même l’humour décalé du début ne passe presque plus. On touche le fond de la détresse placide, de la misère morale et physique.

Ce spectacle n’est pas à conseiller aux dépressifs chroniques. Mais pour les autres cette pièce déstabilisante recèle dans sa noirceur des trésors de langue, et dans ses profondeurs des expressions terribles de justesse.

Nicolas Blondeau,
Lyon capitale,
23 juin 1999